Traduit par : Aude Pasquier
C’est une route d’asphalte qui vient d’être posée, ou plus exactement : une bande d’asphalte qui vient d’être posée et recouvre la moitié de la chaussée. L’autre, quelques centimètres plus bas, est vieille, grise. Dessus roulent de petites colonnes de voitures, comme des queues, qui se sont formées aux feux de signalisation provisoires et mobiles.
Les ouvriers sont rentrés chez eux, mais l’asphalte est frais et odorant. Sa masse épaisse est encore chaude sous la plante des pieds de la petite fille sortie marcher sur ce ruban noir, qui laisse maintenant de légères traces derrière elle. A chaque pas, ça vacille lorsque la matière collante cède et tient bon, cède et tient bon. Ça lui rappelle quand elle mange des kransekaker, avec leurs couronnes craquantes empilées. Elle a envie de manger la route.
Quand elle s’allonge pour faire une silhouette d’ange, la surface porteuse est trop grande. Elle n’accueille pas l’empreinte de son corps, et les mouvements de ses bras – les battements d’ailes – ne trouvent pas prise sur le bitume. Ce n’est que lorsqu’elle se relève que se forme un petit creux sous ses fesses. Et parmi les fils et les bandelettes déchirés dans le fin tissu du dos de sa robe, on peut, si on regarde bien, sous les signes qui montrent que la nouvelle route a connu son premier accident, deviner que l’asphalte a également reçu l’empreinte de fleurs.